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Chronique de Jean-Baptiste Placca

Chronique de Jean-Baptiste Placca

By: RFI
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Jean-Baptiste Placca, chroniqueur au quotidien La Croix et fondateur de L’Autre Afrique livre sa vision sur l’actualité africaine de la semaine écoulée. Entre analyse, réflexion et mise en contexte, cette chronique est l’occasion de donner du sens et de prendre du recul sur les événements de la semaine, mais également de revenir sur des sujets parfois traités trop rapidement dans le flot d’une actualité intense.

France Médias Monde
Politics & Government
Episodes
  • Au Cameroun, quand le griot se fait détracteur…
    Jul 5 2025
    Naguère chantre zélé du régime Biya, un ancien ministre de la Communication (et porte-parole du gouvernement) alerte : ce système politique est à bout de souffle. En parler relève-t-il de la traîtrise ou de l'œuvre de salubrité publique ? Moralité : ne jamais désespérer de l'être humain… Deux défections majeures, dans la coalition au pouvoir au Cameroun, et une petite fronde au sein du parti majoritaire laissent craindre que la présidentielle d’octobre prochain puisse ne pas être, pour Paul Biya, une promenade de santé. La sérénité affichée par l’entourage présidentiel serait-elle donc feinte ? En ouverture du bal des défections, le ministre Issa Tchiroma Bakary a osé l’expression : fin de règne. La sérénité n’est qu’une posture quand, à l’approche d’une présidentielle, on accuse un tel déficit d’enthousiasme. Issa Tchiroma, naguère griot totalement dévoué au président, décline, avec une troublante liberté de ton, l’interminable liste des insuffisances, et conclut que ce n'est plus Paul Biya qui gouverne le pays, mais des intérêts occultes antagonistes. Le plus cruel, pour un système politique vieillissant, est de voir un de ceux qui le défendaient étaler sur la place publique les secrets de famille. À lire aussiCameroun: après la démission d'Issa Tchiroma Bakary, l'avenir de l'ex-ministre pose question Issa Tchiroma Bakary reproche poliment à Paul Biya de considérer le pouvoir comme sa propriété, et d’être incapable, après quarante-trois ans, de désigner quelqu'un qui puisse lui succéder. Il affirme que Biya n’exercer plus le pouvoir que par procuration. Par délégation. Que ce soit l’ancien griot servile qui le dise fait encore plus mal que ce qu’il dit. Ses anciens alliés au pouvoir ne pourraient-ils pas minimiser son poids réel ? Seuls les résultats d’un scrutin transparent pourraient indiquer ce que représentent effectivement les deux ministres qui font défection. En attendant, on aurait tort, du côté du pouvoir, de mépriser certaines réalités et certains chiffres, dans un pays où le suffrage universel a toujours une coloration régionale, parfois dangereusement ethnique. Chaque grand leader politique a son fief électoral, un ancrage qui détermine son importance. Bello Bouba et Issa Tchiroma comptent parmi les grands leaders de ce que l’on englobe, au Cameroun sous l’appellation de Grand-Nord, région septentrionale du pays, dont les populations n’ont pas que des compliments à faire au régime Biya. À lire aussiCameroun: ces ministres qui ont osé défier le président Biya Par ailleurs, dans ce pays de 30 millions d’habitants, Paul Biya avait remporté la présidentielle de 2018 avec 2 550 000 voix, dont 1 700 000 dans ce seul Grand-Nord. Et entre la présidentielle de 2011 et celle de 2018, son score avait connu une érosion de quelque 1 820 000 voix. Partout ailleurs, de tels chiffres auraient inquiété. Pourquoi la fronde interne au RDPC fait-elle ricaner certains dignitaires du régime ? Il est plus facile de feindre la suffisance, ou même l’arrogance, que de s’interroger sur le fond des griefs de cet élu local qui s’est déclaré candidat, en faisant valoir que Paul Biya n’était plus, de fait, président du RDPC, depuis l’expiration de son mandat, en 2016. Tous auraient oublié d’organiser un congrès. Pourquoi importuner Paul Biya avec d’aussi dérisoires préoccupations statutaires ? Avec ou sans congrès, il est président du RDPC. Le parti lui appartiendrait. Et c’est bien triste. Pour le reste, reprocher au chef de l'État l’absence de conseils des ministres, ces quatorze dernières années, semble vain. Car le sort des conseils des ministres, sous Paul Biya, est connu. Après tout, il n’y a pas non plus de conseil des ministres aux États-Unis. Un État bien organisé peut fonctionner sans ce rituel. Surtout avec un président comme Paul Biya, grand commis de l’État, qui connaît parfaitement l’administration et dont le cabinet a toujours été structuré pour avoir prise sur les attributions des ministères importants. Ses conseillers maitrisent certains dossiers, mieux que les ministres concernés, qui peuvent ne pas être indispensables... En privé, certains, dans l’entourage présidentiel, se vantaient naguère de ce que le Cameroun, même avec un tel fonctionnement, s’en sortait plutôt bien. Sauf que nul ne sait comment le Cameroun s’en serait sorti avec une organisation plus… classique. Exactement comme on ignore les exploits qu’auraient réussis, au plan continental et mondial, l’équipe nationale de football, les Lions Indomptables, si elle avait été dirigée de manière plus rigoureuse. Mais ici, on se contente des petits feux d’artifice, pour excuser l’improvisation et la désorganisation généralisée. Lorsqu’un système politique est à bout de souffle, en parler n’est pas manquer de respect à qui que ce ...
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    5 mins
  • Côte d'Ivoire: par le chemin des écoliers
    Jun 28 2025
    Pendant que le sortant se donne le temps de décider, quatre des challengers, disqualifiés sur le terrain judiciaire, voudraient des mesures politiques, pour se porter candidats. Que restera-t-il de l’État de droit et de la démocratie, lorsque, pour satisfaire les uns et les autres, on aura fini, à coups de petits arrangements politiciens, de contourner la loi et les règles ? Retraite définitive ou candidature à sa propre succession ? Le chef de l’État ivoirien a promis à ses partisans une décision imminente. Mais certains n’y voient qu’un stratagème, pour briguer un quatrième mandat. Se peut-il qu’il hésite vraiment, parce qu’il peine à trouver le successeur parfait, soutenu par ses partisans et acceptable pour toute la Côte d’Ivoire ? Sur la légalité d’un éventuel quatrième mandat, plus personne ne débat, en Côte d’Ivoire. Surtout dans cet environnement d’Afrique francophone, où le nombre de mandats n’émeut plus guère, tellement les mandats à foison, les mandats sans fin et autres pouvoirs sans mandat sont à la mode. Observez donc l’indifférence générale dans laquelle Paul Biya pourrait, en octobre prochain, décrocher un huitième mandat, au Cameroun, à 92 ans ! Oui, Alassane Ouattara hésite, moins, certainement, par crainte d’être décrié, que parce qu’il n’a pas trouvé l’oiseau rare, pour rassembler son camp. Un piège, classique, l’obsession du successeur parfait ! Car il n’existe pas. Même prometteur sur papier, un bon dauphin peut se révéler décevant. Une fois en place, il peut même, pour s’affirmer, devenir hostile. João Lourenço, l’homme de confiance choisi en septembre 2017 par José Eduardo Dos Santos pour diriger l’Angola, s’est mis à traquer la progéniture de son « bienfaiteur » pour prévarication, emprisonnant certains, contraignant d’autres à l’exil. S’épuiser à vouloir installer un successeur sûr dans le fauteuil n’est peut-être pas indispensable, lorsque l’on a bien travaillé pour son pays, ce qui est manifestement le cas d’Alassane Ouattara, en Côte d’Ivoire. Ce peut même être contre-productif, comme l’a expérimenté Macky Sall, au Sénégal. À force de tergiversations, son camp a fini par tout perdre, avec un bon candidat, pourtant. N'est-il tout de même pas légitime, pour les partisans du président Ouattara, de vouloir conserver le pouvoir ? Certes. Mais il faut prendre garde à ce que le président ne devienne l’otage de tous. Certains savent qu’ils perdraient tout, si celui-ci venait à s’en aller. Leurs motivations personnelles sont parfois très égoïstes. De manière intéressée, chacun le voudrait au pouvoir jusqu’à la fin des temps. Ou jusqu'à ce que coma s'en suive. Comme s’il était en servage, pour tous. À ce stade d’un parcours riche et bien rempli, ce sujet d’élite, qui a eu une belle et brillante carrière avant le pouvoir politique ne devrait plus avoir, pour unique aspiration, que d’entrer définitivement dans l’Histoire. Pour cela, il lui faut commencer par sortir de la mêlée, et laisser son œuvre grandir, après lui. Sans lui. Peu importe si les continuateurs immédiats ne sont pas ses partisans d’aujourd’hui. Toute la nation, à terme, chantera ses louanges. Le plus bel exemple est Jerry Rawlings, du Ghana voisin. Aujourd’hui célébré, non pas pour avoir sécurisé le pouvoir pour sa formation politique, mais pour avoir eu le courage de faire confiance aux électeurs. En l’an 2000, il a cédé le pouvoir à son principal opposant, John Kufuor, car son propre vice-président avait été battu. Huit ans plus tard, Kufuor passera le flambeau à John Atta Mills, l’ancien vice-président en question. Depuis un quart de siècle, le Ghana conforte ainsi son image de démocratie irréversible, et Jerry Rawlings est devenu une référence continentale, pour avoir compris qu'une nation n’appartient ni à un parti politique ni à une région. Pour Alassane Ouattara, une telle place dans l’Histoire de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique serait bien plus valorisante – et plus durable – que la transmission, à tout prix, du flambeau à un des siens, qui pourrait le décevoir. Mais, en Côte d’Ivoire, certains candidats, disqualifiés, estiment le jeu faussé… On s’attendait à les voir démontrer l’illégalité de leur disqualification, mais ils ne font que revendiquer des mesures politiques. Or, tous ne sont pas disqualifiés pour les mêmes raisons. Il va donc peut-être falloir, pour réhabiliter chacun, contourner des décisions de justice, des dispositions du code électoral, ou même la Constitution. Lorsque l’on aura fini tous ces petits arrangements politiciens, que restera-t-il de l’État de droit et de la démocratie ? Le leadership clairvoyant dont rêvent les peuples africains est incompatible avec une certaine légèreté, l’improvisation et les maladresses rédhibitoires.
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    5 mins
  • Ce beau et juteux métier!
    Jun 21 2025

    156 millions de dollars imputés à Matata Ponyo, condamné à dix ans de prison, en mai dernier ; 50 millions, pour Vital Kamerhe, condamné en 2020, puis acquitté en 2022 ; 19 millions, aujourd’hui, qu’est présumé avoir détournés Constant Mutamba… En RDC, le peuple vivote en francs congolais, et l’élite détourne et s’engraisse en dizaines, sinon en centaines de millions de dollars. Faites de la politique ! Vous deviendrez riches !

    Indexé pour avoir détourné 19 millions de dollars destinés à la construction d’une prison, le Garde des Sceaux de la RDC a dû démissionner. Privé, par l’Assemblée nationale, du dernier verrou qui le protégeait, Constant Mutamba est désormais passible de poursuites. N’est-ce pas, là, un triomphe de l’État de droit ?

    Il faudra sans doute attendre encore un peu, pour crier victoire, dans cet environnement où les politiques, pour échapper à la justice, débordent de manigances et de subterfuges. Parce que le courage d’une démission est plutôt rare sous ces latitudes, la décision du ministre, en soi, est une excellente nouvelle. Les politiciens ont une fâcheuse tendance à se cramponner aux postes et aux privilèges, même lorsqu’ils ont atteint leurs limites, ou qu’ils ont simplement échoué. Même compromis ou discrédités, ils n’aiment pas céder la place à plus valeureux qu’eux. Et cette propension à se croire propriétaires, à tout jamais, des fonctions qui leur sont confiées, pèse de son poids mort dans la difficulté, pour l’Afrique, à avancer, à se développer.

    Certes, Constant Mutamba aurait pu prendre les devants, sans attendre d’être désavoué par l’Assemblée nationale. Il aurait ainsi préservé sa dignité, plutôt que de s’épuiser à quémander une bouée de sauvetage du chef de l’Etat, à coups de serments d’allégeance et de pathétiques assurances de loyauté. On imagine qu’il doit beaucoup à Félix Tshisekedi, qui lui a octroyé, à 36 ans, un portefeuille d’importance, la Justice, avec un rang de ministre d’État que ne justifiait certainement pas son score de 0,20 % des voix à la dernière présidentielle.

    N’est-il pas plutôt flamboyant, le bilan qu’il dresse de l’année qu’il vient de passer au ministère de la Justice ?

    Il semble tellement flamboyant, que l’on se demande si Constant Mutamba a effectivement réalisé tout ce qu’il décrit. Il lui fallait être un pur génie, pour réussir, en tout juste treize mois, à transformer le champ de ruines du système judiciaire congolais en un tableau si idyllique. À moins que, dans son esprit, les grandes ambitions qu’il disait nourrir pour la Justice soient, d’office, considérées comme des projets aboutis, dès lors qu’il en a rêvé. C’est un tout aussi authentique exploit que d’être parvenu, en si peu de temps, à brouiller les traces de 19 millions de dollars. Certes, en matière de détournement de deniers publics, la RDC nous a habitués à une certaine démesure. Et la petite poignée qui finit parfois devant la justice est rarement faite de… gagne-petit.

    À qui donc pensez-vous ?

    Il y a tout juste un mois, l’ancien Premier ministre Matata Ponyo était condamné, avec quelques comparses, à dix ans de prison, pour un détournement… de 156 millions de dollars ! La plus grande frustration des Congolais découle de ce que cet ancien Premier ministre, en quatre ans de saga judiciaire, ne s’est pratiquement jamais expliqué sur le fond. Plutôt que de convaincre ses concitoyens de sa probité, il préférait disqualifier les juridictions saisies dans son affaire.

    Vital Kamerhe, aujourd’hui quatrième personnage de l’État, a écopé de 20 ans de prison, en 2020, pour un détournement de quelque 50 millions de dollars. Après une généreuse réduction de la peine, cette affaire a donné lieu, en appel, à un spectaculaire acquittement. Que d’aucuns avaient qualifié de politique, alors que se nouaient, en 2022, les alliances en vue de la présidentielle de 2023.

    Ajoutés aux 19 millions imputés à Constant Mutamba, cela fait 225 millions de dollars, pour seulement trois figures politiques. En RDC, le peuple vivote en franc congolais, tandis que l’élite politique s’engraisse, en centaines de millions de dollars. Les populations y meurent par milliers, sur les voies fluviales, les lignes de chemin de fer, les routes et pistes du pays. Elles crèvent autant dans les dispensaires et hôpitaux mal équipés. C’est ici que l’on se met à rêver du nombre de milliers de Congolais qui échapperaient à une mort certaine, si ces montants faramineux, plutôt que d’atterrir dans les poches de politiciens indélicats, parvenaient au Trésor public !

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    4 mins
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