Au Cameroun, quand le griot se fait détracteur… Podcast By  cover art

Au Cameroun, quand le griot se fait détracteur…

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Naguère chantre zélé du régime Biya, un ancien ministre de la Communication (et porte-parole du gouvernement) alerte : ce système politique est à bout de souffle. En parler relève-t-il de la traîtrise ou de l'œuvre de salubrité publique ? Moralité : ne jamais désespérer de l'être humain… Deux défections majeures, dans la coalition au pouvoir au Cameroun, et une petite fronde au sein du parti majoritaire laissent craindre que la présidentielle d’octobre prochain puisse ne pas être, pour Paul Biya, une promenade de santé. La sérénité affichée par l’entourage présidentiel serait-elle donc feinte ? En ouverture du bal des défections, le ministre Issa Tchiroma Bakary a osé l’expression : fin de règne. La sérénité n’est qu’une posture quand, à l’approche d’une présidentielle, on accuse un tel déficit d’enthousiasme. Issa Tchiroma, naguère griot totalement dévoué au président, décline, avec une troublante liberté de ton, l’interminable liste des insuffisances, et conclut que ce n'est plus Paul Biya qui gouverne le pays, mais des intérêts occultes antagonistes. Le plus cruel, pour un système politique vieillissant, est de voir un de ceux qui le défendaient étaler sur la place publique les secrets de famille. À lire aussiCameroun: après la démission d'Issa Tchiroma Bakary, l'avenir de l'ex-ministre pose question Issa Tchiroma Bakary reproche poliment à Paul Biya de considérer le pouvoir comme sa propriété, et d’être incapable, après quarante-trois ans, de désigner quelqu'un qui puisse lui succéder. Il affirme que Biya n’exercer plus le pouvoir que par procuration. Par délégation. Que ce soit l’ancien griot servile qui le dise fait encore plus mal que ce qu’il dit. Ses anciens alliés au pouvoir ne pourraient-ils pas minimiser son poids réel ? Seuls les résultats d’un scrutin transparent pourraient indiquer ce que représentent effectivement les deux ministres qui font défection. En attendant, on aurait tort, du côté du pouvoir, de mépriser certaines réalités et certains chiffres, dans un pays où le suffrage universel a toujours une coloration régionale, parfois dangereusement ethnique. Chaque grand leader politique a son fief électoral, un ancrage qui détermine son importance. Bello Bouba et Issa Tchiroma comptent parmi les grands leaders de ce que l’on englobe, au Cameroun sous l’appellation de Grand-Nord, région septentrionale du pays, dont les populations n’ont pas que des compliments à faire au régime Biya. À lire aussiCameroun: ces ministres qui ont osé défier le président Biya Par ailleurs, dans ce pays de 30 millions d’habitants, Paul Biya avait remporté la présidentielle de 2018 avec 2 550 000 voix, dont 1 700 000 dans ce seul Grand-Nord. Et entre la présidentielle de 2011 et celle de 2018, son score avait connu une érosion de quelque 1 820 000 voix. Partout ailleurs, de tels chiffres auraient inquiété. Pourquoi la fronde interne au RDPC fait-elle ricaner certains dignitaires du régime ? Il est plus facile de feindre la suffisance, ou même l’arrogance, que de s’interroger sur le fond des griefs de cet élu local qui s’est déclaré candidat, en faisant valoir que Paul Biya n’était plus, de fait, président du RDPC, depuis l’expiration de son mandat, en 2016. Tous auraient oublié d’organiser un congrès. Pourquoi importuner Paul Biya avec d’aussi dérisoires préoccupations statutaires ? Avec ou sans congrès, il est président du RDPC. Le parti lui appartiendrait. Et c’est bien triste. Pour le reste, reprocher au chef de l'État l’absence de conseils des ministres, ces quatorze dernières années, semble vain. Car le sort des conseils des ministres, sous Paul Biya, est connu. Après tout, il n’y a pas non plus de conseil des ministres aux États-Unis. Un État bien organisé peut fonctionner sans ce rituel. Surtout avec un président comme Paul Biya, grand commis de l’État, qui connaît parfaitement l’administration et dont le cabinet a toujours été structuré pour avoir prise sur les attributions des ministères importants. Ses conseillers maitrisent certains dossiers, mieux que les ministres concernés, qui peuvent ne pas être indispensables... En privé, certains, dans l’entourage présidentiel, se vantaient naguère de ce que le Cameroun, même avec un tel fonctionnement, s’en sortait plutôt bien. Sauf que nul ne sait comment le Cameroun s’en serait sorti avec une organisation plus… classique. Exactement comme on ignore les exploits qu’auraient réussis, au plan continental et mondial, l’équipe nationale de football, les Lions Indomptables, si elle avait été dirigée de manière plus rigoureuse. Mais ici, on se contente des petits feux d’artifice, pour excuser l’improvisation et la désorganisation généralisée. Lorsqu’un système politique est à bout de souffle, en parler n’est pas manquer de respect à qui que ce ...
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